C'est le printemps, ciel bleu tranchant. Vite mes affaires, la neige ne va pas tarder à fondre. Sur la route, un chien inquiet, il n'aboie pas, regarde de tous cotés.Chien perdu avec collier ?Je retourne aux endroits que j'avais repérés sur le Rio Pueblo de Taos. Absolument seule sur le chemin, encore enneigé. Retrouve le premier endroit, descends jusqu'à la rivière.Certaines branches qui dépassent de l'eau, des rochers tournés vers le nord sont dans une gangue de glace, transparente brillante ou d'un gris légèrement opaque. Pourtant le printemps est là.
Photos, remonte le long de la rivière, repars vers le bas, m'arrête, grignote, bois le café que j'ai apporté. Sans que je m'en sois rendue compte, cela fait plus de 5 heures que je suis là.
En arrivant en haut du chemin, je m'avance vers le canyon, à quelques mètres, brusque envol, devant moi passe un très grand oiseau noir, je pense un aigle, il s'éloigne, disparait. Derrière l'arbre d'où il s'est envolé je vois un bout de carcasse sanglante, avec des restes de peau brun clair d'un daim ou d'une biche ou d'un wapiti. Je m'assois un peu plus loin, il va bien revenir. Non, une voiture passe de l'autre coté, 4 personnes en descendent. Ils discutent, mangent un morceau, s'éloignent. J'attends encore mais lui aussi rassasié, il doit être. Me verrait-il ? Moi je ne vois rien dans ce chaos. Et l ciel absolument vide.Retour. Je sors les produits photos et commence à tout préparer pour développer les pellicules. Vérifier un peu ce que j'ai fait depuis l'arrivée. Rencontre Carolyn en allant au Walmart pour acheter le thermomètre. On rentre ensemble et bien sûr discutons jusqu'à plus d'heure.Développement des pellicules? Manana.
taos
59 - Rencontre avec Bruce et Michael, Blizzard, Home Sweet Home
Ménage à fond. A 11h Bruce poète et photographe arrive avec du café, des croissants et de la marmelade. Puis Michael juste après. Nous nous installons, je propose un thé à Michael.
- "Oui, dit Bruce, Mabel Dodge Luhan nous avait donné ce droit de passage!".La conversation continue. Nous disons qu'il faut réfléchir, voir ce qu'on peut faire, se revoir.Tout d'un coup, Bruce doit partir, Michael aussi. On se dit à bientôt.Je déjeune, lis, entends le vent souffler plus fort, la lumière change complètement, le ciel s'obscurcit. Et la neige commence à tomber, épaisse, lourde.Qu'il fait bon au chaud, dans mon fauteuil vieux rose. Dans la nuit, nos casitas pour apprivoiser le bleu si froid.
58 - Matériel Photo et Préparation Psychologique au Développement, Coïncidences, Carolyn peint, Dead Man Cell Phone
Ayant décidé de développer moi-même mes films, je me lance dans l'exploration de ce qui se trouve dans la pièce "à réparer", derrière la cuisine, et qui sert de réserve à tout: meubles, mes légumes, des emballages de toute sorte, des sacs de ciment, plâtre… et du matériel photo donné à la Fondation par la photographe écossaise qui a habité dans cette maison. Les produits sont arrivés hier. Y'a plus qu'à.Mais, chance, il manque un thermomètre. Je vais donc voir Michael pour lui demander s'il y aurait de l'équipement photo ailleurs. Quand j'arrive dans son bureau, il est au téléphone. Me fait signe d'entrer. Il est en train de parler avec Bruce, pueblo marié avec Anne Marie Emanuelli dont la mère est française, de St Mandrier près de Toulon. Ah les coïncidences! Depuis notre conversation de l'autre fois Michael m'explique qu'il s'est un peu renseigné auprès de ses amis et voilà, Bruce est photographe et écrit. Il a pensé que ce genre de rapprochement était le meilleur.A ma surprise, le rendez-vous a été décidé pour demain vers 11h00 et Michael propose de venir aussi. Je suis vraiment contente, le remercie. Evidemment on s'installe pour bavarder un peu. De nos enfants, des temps qui changent, d'Eloïse et de son voyage d'un an avec Marins sans Frontière sur le bateau au Mozambique, avec Jacky et Martine, de reliure d'art puis du théâtre et de Félicie, du petit livre que nous avons fait toutes les trois sur Pierrefeu, eh oui il faut que je pense à lui montrer…George arrive en tenue de cycliste (je regrette de ne pas avoir mon appareil photo, il est parfait),- "Alors Michael as-tu décidé ? La Fondation serait-elle prête à me vendre ce vélo que j'adore?"- "Non, je ne crois pas, j'ai regardé c'est le seul grand vélo et puis c'est une donation, non je ne peux pas."Désolation chez George qui est décidément très attaché à ce vélo, on dirait, et qui m'avait déjà expliqué ce matin comment il l'enverrait ou peut-être il rentrerait chez lui, en Basse Californie à vélo, voyons combien ça prendrait de temps…. Il insiste un peu pour la plaisanterie.- "Non, non mais je t'aime beaucoup George" dit Michael. Ce qui clôt le sujet.Détour par chez Carolyn, plein soleil. Pamela et elle sont installées dehors, fraises, thé, biscuits ET PEINTURE. Carolyn s'entraîne pour son projet de rétable. Couleurs acryliques, pinceaux, bois, tout est là, mais avant de se lancer, il fallait que Pamela soit présente pour l'aider à passer à l'acte pictural et il faut aussi qu'elle se débarrasse de toutes ces références catholiques, couronne d'épines, gouttes de sang, croix, anges. Elle a déjà peint tout ça sur une grande feuille blanche.- "Quoi d'autre?- "La vierge"je lui dis.- "Ah non je ne peux pas peindre les gens"- "Peins la de dos"- "Ah oui je vais faire tous les personnages de dos. C'est à ça qu'on reconnaîtra un "Carolyn Gage". Ma marque de fabrique."Demain tempête de neige paraît-il au Nouveau Mexique on rigole, tellement le ciel est absolument bleu.
A 6h30, Liz, George et moi partons dîner chez Graham. On trouve une paire de lunettes psychédilique.Le restaurant est bourré. On se retrouve au bar, ce qu'adore George qui peut regarder tout ce qui se passe, écouter, et "draguer" les serveuses!Liz et moi avons les jambes dans le vide mais le dîner est délicieux. Décidément Taos est une pas mauvaise adresse.Arrivons au théâtre pour voir la pièceDead Man Cell Phone de Sarah Ruhl, dramaturge très jouée aux Etats-Unis. Pas mal, drôle, vivant. C'est évidemment Liz qui nous a convaincus de l'accompagner, en plus on était au premier rang à ras des acteurs.Retour dans la nuit, mais vous le savez déjà, Liz a sa lampe de poche.
Donc bonne soirée.PSGeorge avait accompagné son commentaire (voir ci-dessous) sur ces innombrables petites bouteilles au bord des route avec cette photo:
57 - Rio Pueblo de Taos, Old 570 Trail, Graffitis, Pilar
Repas et conversation française avec George. Comme d'habitude ça se prolonge et je lui propose qu'on aille ensemble au Rio Grande pour essayer ce chemin qui remonte jusqu'à la 570, là où j'avais rencontré la femme aux 6 chiens un soir blafard.On passe par le haut pont sur les gorges, puis la rim road qui se transforme en piste et descend jusqu'au petit pont en bas, où arrive le rio Pueblo de Taos.Le long de la rivière, c'est beau, très chaud aussi. Peu à peu le chemin s'élève, devient minuscule, s'élargit à nouveau. Des jeunes sont en train de traverser le rio en bas, 2 d'entre eux sont dans l'eau qui est très très froide. Rires, cris, glissades. Il y a encore de la neige et de la glace aux endroits tout le temps à l'ombre. On continue, je repère des endroits qui me plaisent. Prends quelques photos avec le sténopé. Contraste très fort entre les parties du canyon à l'ombre et celles au soleil. Arrivés presqu'en haut, la voiture violette donnera le ton.On arrive à l'ancienne 570, devenue la Cr110, plein de graffitis sur des rochers puis ce qui reste d'un pont un peu plus loin.
Douceur de la descente pour le retour. Le soleil passe la limite du canyon. Nous quittons la lumière très blanche qui écrasait le paysage. L'ombre nous rend la lisibilité des formes et des couleurs. Et c'est comme si la possibilité de lire le paysage lui redonnait une sorte d'humanité. George m'attend pendant que je descends à un élargissement de la rivière, repérer et photographier. Je reviendrai. Plein d'endroits à contempler.
C'est le soir, on roule le long du Rio Grande vers le sud jusqu'à Pilar où on rejoint la grande route qui remonte vers Taos, les montagnes au loin toujours.La nuit tombe. Comme d'hab, chacun dans sa casita.Demain, George me racontera qu'il a fêté la St Patrick en ville.
56 – Discussion avec Michael, Sanctuaire de Chimayo, Film d'Howard Zinn avec Pamela
Longue discussion avec Michael. D'abord choisir un thé dans la cuisine. Puis s'installer dans sa grande pièce et nous voilà partis à parler de l'état du monde, de la global economy, des Indiens d'ici et d'Inde, de son petit fils que lui et sa femme aiment tant garder même quand il faut se lever la nuit, ses parents se séparent et c'est difficile pour Alexander et si on peut aider pour que les choses se passent au mieux... Finalement une heure et demi plus tard, je lui parle de mon idée de monter un projet avec des écrits des Indiens d'ici et mes photos de rivières. Je lui montre les photos que j'ai apportées. L'idée lui plait,- "Oui j'ai une grande amie peintre qui est indienne, je vais voir avec elle et je te redis…" Et il ajoute:- "Tu vas à Chimayo, non? Regarde devant le sanctuaire il y a côte a côte les tombes de mes grand-parents Ortiz".Rentre chez moi, enfile une veste, prends mon appareil photo et pars pour Chimayo.En écho, à l'endroit du miracle dans la petite chapelle, il y aura cet enfant si attentif.Plein de monde aujourd'hui, tant pis. Visite du sanctuaire, très beau, des petites salles sur le côté, où les gens peuvent venir se recueillir, prier, laisser des mots, des rosaires, leurs béquilles une fois guéris…Car ici des miracles ont lieu.En 1810, un moine a soudain vu une lumière éblouissante. En creusant il a trouvé le crucifix miraculeux de El Senor de Esquipulas. Un prêtre a rapporté 3 fois le crucifix à Santa Cruz, et 3 fois le crucifix a disparu et a été ensuite retrouvé dans le même trou. La troisième fois tout le monde a su que El Senor de Esquipulas voulait rester à Chimayo. Une petite chapelle fut construite sur ce site. Les miracles ont commencé et bientôt, la chapelle fut remplacée par le sanctuaire actuel. Et le crucifix de l'autel a perdu son pouvoir miraculeux au profit de la terre de ce trou.
Près du parking il y a cet homme qui fait des petites croix en fil avec juste des successions de noeuds.
Dans le village, je flâne, prends un café et tombe sur ces croix. C'est Bobby Garcia qui les fait avec les tuiles anciennes du sanctuaire.Retour par la très belle haute route de montagne.
Arrive juste à temps pour retrouver Pamela et aller voir le film de Howard Zinn dans lequel il a demandé à des acteurs et des chanteurs de prêter leur voix à toutes les "voix du peuple" qui se sont élevées pour combattre les grandes injustices, oppressions de l'histoire américaine.Matt Damon a contribué à produire le film. Magnifique.Bonne nuit.
55 - Temps gris, Superbe Fête, Musique et Rencontres, Artistes et Terre
Patrick (dont j'avais plus ou moins refusé il y a 4, 5 jours l'invitation à une fête pour les natifs des 13, 14,15 mars et la Saint Patrick pour ceux dont les ancêtres étaient arrivés d'Irlande), m'envoie un mail "Marie, halte à la timidité, je viens te chercher à 18h00. C'est chez un ami qui fait de belles fêtes conviviales et musicales, tu viens." Très hésitante, mais cette insistance chaleureuse me convainc. A 18h00, ce qui me surprend car ici tout le monde est toujours au moins un peu en retard, Luhan, sa femme avec un gâteau (à bougies fines multicolores et en tire-bouchon) sur les genoux et sont là.On arrive dans la maison du copain avec vue à tomber par terre comme souvent ici, et effectivement la très grande pièce parait parfaite pour les fêtes. Chacun a apporté quelque chose. Les gens continuent d'arriver. On mange, on boit, on rigole, les musiciens installent leurs instruments.Patrick me présente à Lee, photographe, à Farida, Française d'origine algérienne, chanteuse et qui habite Taos depuis 14 ans, une femme d'origine irlandaise complètement marrante et exubérante vient me parler, je ne sais plus son nom, je retrouve la copine de Carolyn, Alex qui nous avait invitées à cette soirée où j'avais rencontré Luhan et Patrick.D'autres de la même soirée sont là, me disent bonjour, parlent un peu. Et puis Patrick me présente Mark, et on commence une très longue discussion sur ce qu'il fait, vidéo, musique me dit qu'il va me donner un enregistrement à emporter, ce que je fais à Taos, la vie en France, sa femme Caryn entre dans la conversation, me demande si Taos tient la comparaison avec ce superbe pays qu'est la France, me disent ce qu'ils aiment tant ici, l'espace à perte de vue et les gens, moi c'est que les artistes que j'ai rencontrés ont tous un lien avec la terre, une simplicité et un goût pour rencontrer d'autres artistes, et qu'en France je connais ça dans un petit village, Pierrefeu, où la lumière est un peu la même, la rudesse aussi, etc… comme si on se connaissait depuis toujours.La musique commence, on ne s'entend plus, juste le temps de me dire qu'ils veulent que je vienne dîner chez eux, échange d'adresses mail.On danse, on écoute.
A un moment la moitié des musiciens "plient bagage". Des gens partent. On reste une douzaine.
Les musiciens commencent à improviser d'abord une sorte de tango, puis des trucs plus jazz. Il y a un pianiste, Steve je crois, Gus qui joue de la guitare, Farida qui chante, un violoniste et Patrick à la basse. Steve quitte le piano pour danser. Luhan le rejoint.
Je parle avec notre hôte dont je ne connais pas le nom et dont les peintures-collages sont un peu partout dans la pièce. Et c'est presque la fin de la soirée, juste le temps de faire plus ample connaissance avec le pianiste qui vient me voir et m'explique qu'il se balade partout tout le temps ramasse plein de trucs, que finalement c'est à partir de ça qu'il crée parce qu'il ne voit pas comment faire mieux. "Il va falloir que je me décide à les vendre, demi-sourire, je suis en train de devenir très pauvre." Patrick range sa contrebasse, on dit au revoir à tout le monde, Farida parle un peu de sa vie ici, adore Taos, sa sœur habite Nice, on promet de se revoir. Notre hôte nous raccompagne, Lee me dit: "Marie, we must talk again", mais on n'a pas parlé du tout.On se quitte, on arrive chez moi et je remercie Patrick et Luhan de m'avoir un peu forcé la main pour passer une superbe 3eme fête d'anniversaire.
54 - Anniversaire avec Famille, Amis, Discussion Photo, Apéro à la Taos Inn, Musique avec Bill Hearne.
Changement d'heure cette nuit. Ouvre mes mails, lis avec plaisir un long message de Jean-Pierre, ceux de la famille, des amis qui me souhaitent un bon anniversaire, Un SMS de Félicie… Ça sonne, skype m'appelle. Pascale et Maman me souhaitent un bon anniversaire de vive voix et évidemment on reste à parler une bonne heure, puis Cedric se joint à nous, je dis au revoir. Ça re-sonne, c'est Eloïse sans micro, alors je lui parle et elle écrit. Etrange impression. Mais on échange les nouvelles et "Bon anniversaire, maman". Chaud au cœur. Envoi de mails de remerciement.Très tard, juste le temps d'une douche et en avant pour la discussion.En passant, cette affiche. Howard Zinn est mort le 27 janvier juste quand j'arrivais à Taos et j'ai écouté plein d'émissions sur lui en particulier celles de Democracy now. J'essaierai d'y aller avec Pamela. Elle m'a pas mal parlé de lui. Admiration.Très peu de monde à la discussion mais du coup on parle vraiment de photo, de peinture, de la vie. On continue la conversation à la Taos Inn autour d'un verre. Je dis que c'est mon anniversaire. Cheers, Santé... à l'exposition et à moi. Moment d'amitié? On se connait si peu. Des musiciens arrivent et Pattie qui les connaît tous, (Elle habitait Los Angeles avant et nous parle de Supertramp, de Jim Morrisson, joue de la guitare, chante) nous dit:- "c'est Bill Hearne, il est formidable il chantait en duo avec sa femme maintenant elle ne peut plus voyager. Le trio là est bien."
Steve lui aussi a été musicien et a rencontré Neil Young. Dans la salle debout là-bas il y a le fils de John Huston et une de ses sœurs (hélas ce n'est pas Angelica) qui écoutent, etc…Musique et oui c'est bien. Un couple puis deux dansent. Gracieux. On repartira tard, dans la nuit, embrassades.C'était pas prévu. C'était bien.
En rentrant je regarderai sur internet ce que je trouve sur Supertramp et coïncidence, pour Breakfast in America, dont nous a parlé Pattie, voilà ce que dit wikipedia:
"Breakfast in America features a number of songs played on Wurlitzer electric piano, displaying its most distinctive abilities. (In particular, the different sounds made by the Wurlitzer depending on how hard it is played - songs such as Child of Vision or The Logical Song are built upon this sound.) The peculiar sound of the Wurlitzer had already been put forth in older songs such as Dreamer or Lady but never so extensively into an entire album, making Breakfast in America one of the best examples of the possibilities offered by this instrument."
LE PIANO ELECTRIQUE WURLITZER
"La plupart des pianistes qui ont écouté Supertramp ont remarqué la place importante que tiennent les claviers dans les arrangements et en premier lieu, le piano électrique Wurlitzer. Contrairement aux groupes en vogue à l'époque qui utilisaient le Fender Rhodes, le choix du Wurlitzer était un pari risqué. Heureusement, la sonorité de cet instrument que l'on pouvait entendre dans le What I'd Say de Ray Charles, prend une nouvelle direction sous les doigts de Rick Davies ou de Roger Hodgson. Délaissant l'amplification à lampe pour la nouvelle version à transistor, et conjointement utilisé avec des pédales (notamment flanger et chorus), le piano électrique Wurlitzer est devenu quelque part l'emblème du son Supertramp. Présent essentiellement dans les morceaux rapides, le jeu utilisé par Davies ou Hodgson sur le Wurlitzer est très rythmé, jouant sur la dynamique de l'attaque (il suffit d'écouter The Logical Songpour s'en convaincre).Si au point de vue toucher le Wurlitzer est plus léger que le Fender Rhodes (comme son poids), la sonorité du Wurlitzer est globalement plus tranchante que celle du Fender Rhodes, notamment au niveau des basses. Mais la grande différence est dans le sustain (tenue du son) qui est beaucoup plus court chez le Wurlitzer, ce qui oblige le pianiste à modifier son jeu en conséquence. Davies et Hodgson ont parfaitement compris ce handicap et l'ont retourné à leur avantage en intégrant parfaitement l'instrument dans leurs arrangements. Dans un jeu favorisant les accords secs et répétés le Rhodes manque d'efficacité alors que le Wurlitzer répond parfaitement à cette exigence."
Bon petit déjeuner en France!
Et voici le fameux son.
52 - Salon de Coiffure "in", Tournevis, Imprécations, Soleil et Roches au Rio Grande
Somptueuse journée ensoleillée. Ce matin rendez-vous chez le coiffeur branché de Taos, en face du musée.Quand j'avais vu cet endroit en me baladant le soir, je l'avais trouvé magnifique, des tableaux qui me plaisaient, de beaux meubles, pas de lumière blafarde, un espace ouvert mais plein de recoins et donc une certaine intimité, chaque personne plus ou moins séparée des autres par un angle ou un bout de paroi, une atmosphère tranquille quand j'étais entrée me renseigner. Donc m'y voici et oui c'est exactement comme j'avais imaginé. Je peux même me regarder dans la glace et la fille qui me coupe les cheveux, enceinte de 8 mois, très paisible. Quand elle me demande ce que je veux et que je réponds comme vous pensez, pas du tout désarçonnée, d'accord me dit-elle. En sortant, inutile de tout défaire et secouer en tout sens, la coupe est, je crois, très jolie!Alors quand même vous dire que c'est le salon de coiffure où Julia Roberts vient. Elle a un ranch à côté. Encore Liz, toujours au courant de tout qui m'en a parlé, et "Marie tu devrais demander le prix avant de prendre rendez-vous." Ce que je n'ai évidemment pas fait. Grace à Dieu, juste avant de partir pour le rendez-vous, elle m'appelle: "Marie je connais le prix, dans les 35-40 dollars." "Pas trop cher," je lui dis "considérant que ça fait musée, salon de coiffure et on peut se regarder dans la glace."Après un déjeuner succinct, départ pour Chimayo. Eviter cette rue centrale de Taos à la circulation ininterrompue, du matin au soir et tous les jours de la semaine. Par diverses routes, macadam ou terre, en passant une fois de plus dans un quartier "suburbain", autre mais le même, grandes maisons roulantes, posées, et elles n'iront pas plus loin.
Puis la voiture police, les policiers en train de vérifier les identités de 4 types en pick-up, même scène sauf qu'aujourd'hui ils lèvent la tête pour voir qui passe. Rejoins la Highway 68 à Ranchos de Taos qui va au fameux sanctuaire de Chimayo, via Espanola. Dépasse tous ces endroits où on voit les gorges du Rio, oui le grand, mais vous vous souvenez ici on dit juste Rio, puis la descente, puis l'endroit où on peut rejoindre le Rio en voiture, puis cet endroit un peu plus élevé d'où on voit de la voiture, la rivière, le pont en bois, je descends. Première imprécation. Puis les petits rapides, les rochers.
Aujourd'hui beaucoup d'eau et de lumière. Je prends quelques photos de la route. M'arrête sur un parking et m'approche du bord, ça a l'air très beau en bas. Plantes accrocheuses, buissons, pierres et rochers, cactus encore brunis par le froid et qu'on ne distingue pas bien. Sors mon sténopé, regarde d'où photographier, suis bien comme tout, tranquille dans toute cette beauté, tellement à portée. J'ai mon pantalon sans poche, ai laissé ma veste dans la voiture, il fait si bon. Au moment d'ouvrir l'obturateur manuellement, je m'aperçois que j'ai laissé mon mini tournevis en haut. Rage. Ça m'est déjà arrivé une fois, et pareil, c'était après avoir traversé difficilement ces zones assez inhospitalières. J'avais alors eu l'idée que les trucs qui restent sur les boites de bière ou de coca devraient très bien remplacer le tournevis, et de ces boîtes il y en a partout souvent un peu cachées mais en principe là où on peut s'arrêter pour pêcher. Donc je commence à regarder et en trouve 2, j'arrache le petit truc. Et avec, dévisse mon obturateur pour pouvoir le faire glisser et laisser entrer la lumière dans la boîte, revisse l'obturateur qui sinon, s'entrouvre et voile la pellicule, et enfin le jette dans mon sac. Je dois en avoir maintenant 5 ou 6 de ces mini tourne-obturateur, dans les différents sacs, pantalons, vestes, la voiture, mais apparemment pas encore assez. Je reste là tout l'après-midi à explorer cette partie rocailleuse et assez différente des autres endroits que j'ai photographiés. Chimayo, un autre jour.
Le soleil disparaît derrière la colline, il sera trop tard pour aller prendre en photo un autre endroit plus loin que j'avais repéré en allant à Santa Fe, là où il y a les grands arbres. Je rêvasse encore un peu, aperçois un pêcheur vais le regarder, il n'attrape rien. En remontant vois la deuxième inscription sur roche.
Repars pour Taos.Coucher de soleil limpide sur l'immense plaine grise, buissons de sauge à peine verte, gris-bleu peut-être. Nuit arrive. Eblouissement, silhouettes fines, traces d'avion sur le noir de la terre. Effacer les imprécations ?
51 - Harwood Museum, Dwayne Wilcox, Weaving Southwest, State Route 150, Middle Rd, Hondo Seco Rd, Fin du Jour
Visite du Harwood MuseumDans la collection permanente, tableaux des artistes de Taos du XXème siècle Henry Cady Well, pour la Morada. De nombreuses femmes dans la collection permanente dont Dorothy Brett pour le tableau des 3 femmes.Il ya aussi une exposition des dessins de Dwayne Wilcox, indien Lakota. Sur son site il dit :"why lined paper?"Beads, cloth, paper... all of which have been introduced around the same time, and it was at a period when natives of the plains were losing their homeland to new conquers and their refusal to give up the right to be free caused many to be imprisoned. Many of the earliest ledgers were done during incarceration. Like bead work, it has become a medium for a traditional style."andwhy humor?"In the Lakota tradition there is the Sacred Clown and what drawing reflect that humor, I see that as part of the old values of traditional life ways."
Inverser le point de vue, utiliser des crayons de couleur et des pages de cahiers d'école. J'adore!Au 1er étage, des broderies et des peintures sur verre de Rebecca Salsbury James qui habitait Taos, et encore une collection de toutes ces représentations de saints, de Christ, de Vierges, de Morts avec ou sans carriole, toujours aussi naïves et colorées, mais l'hacienda Martinez en était remplie et je ne veux plus voir cette Mort qui vient d'emporter Narda et Séverin. Elle est trop présente dans nos vies pour la regarder dans les musées.En me promenant, un peu d'air, mieux respirer, j'entre par hasard dans une immense galerie consacrée aux tissages, tapisseries et tapis: Weaving Southwest.La fondatrice de cette galerie est Rachel Brown, me dit sa petite fille qui me présente les oeuvres de certains artistes et m'explique les différentes techniques et parle avec admiration de sa grand'mère qui était elle-même tisserande et continue de dessiner des projets tissés par d'autres. Il y a 5 ou 6 tapisseries assez petites que je trouve très belles. Elle me dit que c'est une artiste du Colorado qu'ils exposent depuis 5 jours. Et qu'elle est aussi relieuse d'art et utilise dans ses créations des points de reliure. Je lui dis qu'une de mes sœurs est licière et une de mes filles relieuse d'art. Toutes les laines sont teintes à la main, beaucoup avec des colorants naturels. Certains des artistes ont été des élèves de Rachel Brown. On a une vraie impression de passion pour cet art et pour chaque artiste qu'ils présentent et connaissent personnellement.Encore une fin d'après-midi entre brouillard et soleil, je ne résiste pas et repars vers le nord alors que je pensais rentrer tranquillement et lire. C'est en fait déjà bien tard. Les ciels changent très vite. Fascinée par la relation entre ces mesas aux lignes très strictes, géométriques, les montagnes aux courbes effacées par les brumes, les nuages neigeux, les brouillards, tout ça très mouvant mais essentiellement dans une gamme monochrome du noir au blanc, avec juste les tonalités de gris qui varient du chaud au froid.
Des ciels pas vrais. A vrai dire mon appareil était passé sur la position crépuscule sans que je remarque, ce qui fait curieusement basculer les couleurs. Pas tant que ça tellement le rouge colore ce soir la tombée de la nuit. Fin du jour.
50 - Timothy O. Sutherland, Cow-boy et Machine à Café, Robbie au Caffee Tazza, Blurb
La voiture à la fenêtre disparaît sous la neige. Pas très froid.Je lis Ed et ses cartes postales en tous genres, mais presque toujours un peu en colère, ça me rassure. Y'en a d'autres. Le plus surprenant c'est qu'il a écrit tout ça entre 1949 et 1989, avec la même urgence que celle d'aujourd'hui.Rendez-vous avec Robbie au Caffee Tazza. En y allant, court arrêt chez Tim O. Sutherland, photographe et qui propose des impressions digitales. On parle comme d'habitude digital et argentique, me montre sa dernière acquisition un Sony qu'il trouve très très bon et me montre une grande photo panoramique en noir et blanc, winter sunrise over Taos Mountain dont la qualité est surprenante. Nous échangeons nos cartes et lui dis que je reviens plus longuement après le rendez-vous.Robbie est déjà là. Les mêmes cow-boys que l'autre fois, l'un, avec casquette, est en train de prendre des photos d'une ancienne machine à expresso italienne en cuivre qu'il veut vendre sur ebay. Il est comme chez lui, astique le cuivre, essaie différents emplacements pour prendre la photo, discute du prix qu'il compte en tirer avec son ami. Peut-être est-il chez lui, après tout.Avec Robbie, on parle livres photos, je lui rapporte les deux sur Venise qu'elle a auto-publiés sur Blurb, et il y a aussi celui-ci.C''est vraiment bien cette possibilité, qu'utilise aussi Carolyn pour ses pièces. On en vient à nos filles. La difficulté pour tous nos enfants de gagner leur vie à la mesure de leur travail, de la cherté des loyers etc... Je lui parle de la visite à T. O. Sutherland (j'ai un peu de mal avec le passage immédiat au prénom) et on décide d'aller le voir. Il est avec un autre photographe, je montre à Robbie le panoramique magnifique. Tim lui montre le Sony. Discussion technique, Hasselblad, Leica, Rolleiflex.Je regarde les tirages: en particulier des portraits, que Tim est en train de préparer pour sa prochaine exposition. Et puis son livre sur de l'ouest américain. J'allais oublié, au moment où nous sommes entrées, il me dit: "Ah! Tout le temps de ton rendez-vous, je l'ai passé sur ton site. Les couleurs j'aime pas trop. Ah! Si la Patagonie", je souris, comme par hasard mais il l'avait remarqué, ce sont des négatifs que j'ai scannés, "mais les noir et blanc, chapeau! Les ombres et tout, c'est très beau." Je ne peux pas m'empêcher de lui dire que c'est aussi mon avis, en rigolant bien sûr… pour ne pas avoir l'air... de quoi d'ailleurs? On prend rendez-vous pour des tirages éventuels.Il est 1h, je rentre, déjeune, range un peu, lis, Robbie me dit qu'elle a changé son site. Je regarde et oui il est drôlement bien. Il y a un de ses livres d'artiste qui me plaît beaucoup. Elle m'a justement proposé un échange. On va voir.3h et demi, départ pour le nord de Taos. La lumière est presque comme hier. Soleil, brume.
Le soleil est couché. Juste pour rappel de ce qui a eu lieu, plein ouest une ligne claire différente chaque soir on dirait, tenant du rose, ou du jaune, ou ivoire, tremblotante et liquide, ou rouge, ou verte, blanc neigeux, ou mauve, ou grise et qui "sombre" elle aussi, nous laissant seuls avec nos phares. Rentrer bien au chaud dans la voiture et la nuit, quel plaisir. Voilà Taos avec ses lumières, et en arrivant, les 2 casitas éclairées, mes voisins sont là.
49 - Matins Tranquilles, les Brèves de Comptoir de George, Arroyo Hondo, Pêche à la Truite
En ce moment les matins sont tranquilles, le temps s'y prête, gloomy, comme on dit ici. En général ça se lève dans l'après midi.A midi George arrive pour la conversation française/repas. Jambon, riz, poireaux sautés, petites omelettes au persil, eau du puits d'Hélène. On se régale et on parle des "Brèves de Comptoir" dont l'idée plait beaucoup à Georges qui a ce même talent incroyablement vivant pour raconter tout ce qu'il entend lors de ses virées en ville ou quand il prend le bus. Au dessert - fruits - on reparle en Anglais de tout et de rien, de nos co-résidents, de nous, de Nicolas Bouvier, de Gorki Park de Martin Cruz Smith.Vers 16h je pars pour Arroyo Seco et prend une petite route de traverse vers le village d'Arroyo Hondo, où j'arrive assez tard. Avant, les chevaux dans le blanc bleu d'hiver, la mesa dans l'ombre, la lumière sur la plaine.Le soleil est maintenant plus bas que les nuages. Les champs et les arbres, orangés. Plus de neige. Comme si les maisons proches réchauffaient les champs. Je traverse la 522 qui va de Questa à Taos, en continuant sur la petite route qui longe le rio. M'arrête et prend le sténopé pour essayer 2, 3 photos de la rivière et des arbres.
Quand j'ai fini et que je retourne vers la voiture garée un peu plus loin je vois un type sortir de la sienne, bleu roi, avec sa canne à pêche. A 100 m du village, au bord de la route, il s'installe tranquillement. Lui demande si oui c'est bien une canne pêche qu'il a. Il rigole carrément faut dire c'est la question idiote... pas trouvé mieux pour l'aborder. Il me demande d'où je viens, dès que je réponds France il me serre chaleureusement la main. Il continue; "Oh oui je viens là depuis tout petit, je suis né ici et j'y ai toujours vécu et ai toujours attrapé des truites dans cette rivière." Il venait pour son dîner. L'eau était claire… Le laisse tranquille et reprends la 522 qui passe dans d'immenses espaces, on voit tellement loin. La nuit monte, envahit de gris puis de bleu sombre le ciel.
A un moment où je me suis arrêtée pour encore prendre une photo, je vois une voiture faire demi tour et revenir vers moi, il a l'air du fermier qui rentre chez lui, ralentit, la fenêtre ouverte, et depuis l'autre côté de la route commence à dire je ne sais pas quoi. Je remonte en voiture et démarre. Il me suit. Me voyant les bras en l'air pour prendre la photo…il m'a, point de vue français, prise pour une vieille prostituée en train de lui faire des grands signes ou a pensé, point de vue américain, que j'avais besoin d'aide et gracieusement raccompagné jusqu'à la ville.
47 - Messe à Saint François d'Assise, Harley-Davidson, à nouveau les Ex-Voto, Hacienda Martinez et Anita
Aujourd'hui marque la moitié de mon séjour ici! Le temps passe très très vite. Aube entrevue.Ranchos de Taos, 11h, voitures partout autour de l'église St François d'Assise tellement peinte et photographiée. C'est le début de la messe, je rentre dans l'église, remplie d'Indiens Pueblos et d'Hispaniques. Quelques blond(e)s aux yeux bleus, mais vraiment très peu. Nous attendons tous le prêtre. Tout d'un coup chant et musique, et je vois venus de dehors, l'enfant de chœur en blanc portant le christ en croix, le prêtre, vraiment pareil à ceux que l'on voit dans les westerns.En fait c'était une des pensées que j'avais: "Comment va-t-il être ce prêtre?", pendant que je regardais les petites filles avec toutes les plus précieuses coiffures, les jolies robes et chaussures du dimanche s'installant avec leurs parents fiers comme Artaban, les adolescents garçons plutôt ingrats dans l'ensemble, tshirts expressifs noirs, pantalons trop grands tombant comme en France, côté filles beaucoup plus variées des très sages à côté des parents, certaines même priant silencieusement à genoux, une très jeune à côté de sa grand'mère qui essaie de lui remonter son tshirt sans manche mais alors il lui découvre le bas du dos. Très réchauffés tous et d'autres en noir punk. Et puis il y a de fiers caballeros, des mères très du sud, un cow boy en tenue complète et les autres plus indistincts.Entrée donc après le christ, du grand prêtre châtain clair suivi d'un ensemble de femmes plutôt âgées toutes habillées en blanc. Tous s'installent devant. Et immédiatement le prêtre commence à parler nous disant la beauté de l'atmosphère qu'il a sentie en traversant l'église, la sérénité, le calme… et il ne voudrait en aucun cas déranger tout ça. Immédiatement je ne sais pas pourquoi, il me déplaît et je sors. J'avais aussi vu le très beau rétable et l'intérieur de l'église. Je m'étais dit si c'est bien (?!) je resterai me recueillir pour une fois…Je retourne à mes ex-voto qui ne sont pas loin, et c'est dans la continuité. Sauf qu'avant, je tombe sur trois motards fiers et intrépides chevauchant leurs rutilantes motos. M'arrête et leur demande si je peux les photographier avant qu'ils ne s'arrachent dans le vrombissement des Harley.
Arrivée devant mes ex voto, je sors de la voiture et entre dans la cour qui n'a ni porte ni barrière, 3 voitures y sont garées, j'appelle. Pas de réponse. J'approche de la maison au fond. Et là derrière un haut grillage je vois 4 ou 5 chiens qui commencent à sérieusement aboyer. Soudain, un qui hurle se précipite sur le grillage, s'agrippe en haut et saute dans la cour. Je commence à courir mais immédiatement je me dis "t'es folle!". Je me retourne et m'arrête face à lui, qui fait la même chose, mais continue d'aboyer et d'avancer doucement au fur et à mesure que je recule et quand j'arrive à la limite de la rue, il se tait et nonchalamment me surveille. Hélas pas pris de photo. Horrible peur ! Je reste là à attendre que quelqu'un sorte car je voudrais des explications sur tous ces ex voto et éventuellement savoir si celui qui les fait, Pablo Florès m'en vendrait un. Personne ne sortira. Le chien est maintenant à 10m. J'admire, très prudemment, la voiture ouverte, juste à côté.
Roule jusqu'à la maison suivante, beaucoup plus riche et grande avec une clôture, un portail un grand jardin et un énorme chien berger qui jaillit du côté et colle la gueule au portail tout en aboyant comme un cinglé. Nouveau choc mais petit. Se tait dès que son maître approche. Lui demande (avec grand calme devant son sourire goguenard, suite au petit choc probablement), vous ne sauriez pas... pour les ex-votos... "No, I don't see, oh yes... oui là-bas... je vois ce dont vous parlez, les gens là-bas, moue légèrement méprisante, non, jamais vus." Pour me consoler quand je repars je vois, parce que je l'ai entendu, un magnifique pic vert à la houppette rouge.
Je note le nom de la rue "en bas de la butte"rentre par l'autre côté, vers Blueberry Hill,repasse devant le Thunderstorm Ranch, le rio Pueblo,et arrive à l'Hacienda Martinez, qui se visite.
Ce que je fais longuement et où je rencontre après les 18 pièces de l'hacienda et quelques représentations de la mort avec arc, une archéologue bien vivante, Anita qui s'occupe maintenant des collections des "musées historiques de Taos". Elle est en train de préparer une conférence qui va avoir lieu l'après-midi. On discute un bon moment de photos, il y a une exposition sur Taos dans la salle où on est, et je lui demande des trucs sur Chaco Canyon qu'elle connaît bien et oui il faut y aller et non les pistes ne sont pas pires qu'ici. L'après-midi est là. Il faut qu'elle finisse d'installer et je commence à avoir vraiment faim.Je déjeune et me sens épuisée. Ça doit être le choc du chien. Et cette mort en carriole, effrayante. Alors me revient le sacré coeur de Pablo Florès, un peu de bleu pour se rasséréner.
Je mets quand même à mariner les crevettes avec gingembre, laurier citron et ail pour ce soir et reprends mes Postcards from Ed. M'allonge. Fatalement je m'endors dans la minute. Réveil juste à temps pour finir de couper les cébettes qui vont accompagner les crevettes sautées qui sont ma participation à notre dîner en commun du dimanche.Nous sommes 4, repas délicieux et lecture par Carolyn d'un nouveau passage de sa pièce sur Dorothy Brett. Liz nous raconte toutes les commandes de pièces qu'elle a, au grand dam de Carolyn, George rigole et moi aussi. Liz s'en va. Je raconte laborieusement mon histoire de chiens. Ce n'est plus ni drôle ni tragique. Comme Liz est la seule à ne pas oublier sa lampe de poche (éclairage public extrêmement restreint et ciel couvert ce soir), nous repartons Carolyn, George et moi dans le noir total.
46 - L'Espace du Dedans, Conversation, Musique, Lecture, la Venise de Robbie Steinbach
Aujourd'hui j'ai décidé de faire un break. Lecture, musique.Lis le journal que Robbie a tenu pendant sa résidence à Venise. Avec plein de photos dont certaines que j'aime beaucoup. Et la liberté d'un temps offert sans obligation aucune.
Une très longue conversation avec Pascale et maman sur Skype. Pascale me redit que Pierrefeu ça avance et que demain des amis vont voir la pièce que joue Félicie. Je lui parle d'Ed Abbey qui devrait beaucoup lui plaire, maman de la tempête qui vient de ravager les côtes entre la Bretagne et Bordeaux, je raconte mes rencontres, etc…En fin d'après-midi j'emmène Liz chez Albertson, on rentre avec un magnifique ciel gris bleu, pourpre, mauve, rose, vous ne le verrez pas car pour moi aujourd'hui il n'y a que l'Espace du Dedans.C'est un titre d'Henri Michaux, très souvent repris. Je ne résiste pas a la tentation de la citation:"Dans les livres, il cherche la révélation. Il les parcourt en flèche. Tout à coup, grand bonheur, une phrase... un incident... un je ne sais quoi, il y a là quelque chose... Alors il se met à léviter vers ce quelque chose avec le plus qu’il peut de lui-même, parfois s’y accole d’un coup comme le fer à l’aimant. Il y appelle ses autres notions: «venez, venez». Il est là quelque temps dans les tourbillons et les serpentins et dans une clarté qui dit «c’est là». Après quelque intervalle, toutefois, par morceaux, petit à petit, le voilà qui se détache, retombe un peu, beaucoup, mais jamais si bas que là où il était précédemment. Il a gagné quelque chose. Il s’est fait un peu supérieur à lui-même. Il a toujours pensé qu’une idée de plus n’est pas une addition. Non, un désordre ivre, une perte de sang-froid, une fusée, ensuite une ascension générale. Les livres lui ont donné quelques révélations."ni à celle de l'énumération de titres de ses livres, sorte de navigation surréaliste:Jubilation à l'infini de la disparition des disparités, Les Rêves et la Jambe, La nuit remue, Sifflets dans le temple, La Ralentie, Plume, Au pays de la magie, Arbres des Tropiques, Je vous écris d'un pays lointain, Exorcismes, Labyrinthes, Le Lobe des monstres, Épreuves, exorcismes, Ici, Poddema, Ailleurs, Meidosems, La Vie dans les plis, Arriver à se réveiller, Tranches de savoir suivi du Secret de la situation politique, Face aux verrous, Quatre cents hommes en croix, L'Infini turbulent, Paix dans les brisements, Vigies sur cibles, Connaissance par les gouffres, Les Grandes Épreuves de l'esprit et les innombrables petites, Façons d'endormi, façons d'éveillé, Droites libérées, Émergences-résurgences, En rêvant à partir de peintures énigmatiques, Face à ce qui se dérobe, Poteaux d'angle, Comme un ensablement...Musique, un autre espace du dedans. Ecoutons: John Surman.
45 - Edward Abbey, Monde Sauvage, Camino de la Placita, Guadalupe Plaza et Ledoux Street
Il est tard, la matinée presque passée, je regarde mes mails, juste José qui commente mon envoi.Je lis Postcards from Ed Abbey. et ris toute seule. Attaque sur tous les fronts, écrivains, journalistes, politiques. Son combat pour qu'un peu de monde intact et sauvage survive est constant et sans concession. "Wilderness is not a place of privilege, but rather a place of integrity, where the evolutionary processes of life are free to continue." Et une amie, philosophe britannique, Mary Midgley : "Le vaste monde nous est nécessaire, et ce doit être un monde qui n'a pas besoin de nous; un monde qui sache nous surprendre sans cesse, un monde que nous n'avons pas programmé, puisque seul un tel monde provoquera notre émerveillement." Etc…Vers 5h et demi c'est vers la ville que je vais, pour changer.
Kit Carson street je croise cet homme avec son chien et il me fait penser aux photos d'Ed Abbey alors je lui demande si je peux les prendre en photo.
Résultats des élections en passant. Puis Don Fernando street, Guadalupe Plaza, Padre Martinez lane pour une visite à pied des quartiers les plus anciens.
Le soleil se couche, et ce sera pour vous: Camino de la Placita et Ledoux street by night.
En rentrant entre les arbres je vois Orion et son bouclier. Peu d'éclairage dans les rues Los Pandos et Burch, les étoiles brillent encore plus et l'air est sec et limpide ici, à 2000m.
44 - Rio Grande de Ranchos, Chemins de Traverse, Ex Votos?
Je continue un peu la correction de la traduction de la pièce de Carolyn, l'appelle pour avoir son avis avant de continuer. Elle vient mais ne se sent pas bien. Epuisée et affamée me dit-elle. Alors on va manger une soupe délicieuse, dans un petit restaurant thaï, conseillé par Lera, juste à côté. Je la raccompagne.Retour au Rio Grande de Ranchos.Prendre quelques photos et rentrer par des chemins de traverse.Des ex-votos. Là sur le mur, sur la palissade. J'apprendrais plus tard, chez Taja que ce sont les oeuvres de Pablo Florès, santero de Taos.Reste un long moment. Ça me plaît beaucoup.
C'est le soir, le chien surveille le type en bleu au fond dans la rousseur des arbres.
Essaie de rattraper le retard du blog. Grignote. Ecris. Il est 2h du mat. Je sens le pain grillé et le café des petits-déjeuners en France, enfin la légère odeur qui en est la trace puisque 10h sonne déjà chez vous. Dans la maison de Pierrefeu, les maçons en sont peut-être à un casse-croûte d'une matinée largement entamée?
43 - La Haute Route de Taos, Rio Grande de Ranchos, Vallecitos, Rio Lucio, Las Trempas, Truchas, Chimayo
Journée magnifique et tiède. Lessive, courte balade. Je rentre déjeuner en vitesse et repars en voiture pour la route qui va à Espanola en passant par les montagnes.Juste après avoir tourné vers l'est, à Ranchos de Taos, je suis le rio Grande de Ranchos qui serpente entre la route et les collines. Je m'arrête pour le photographier. A chaque fois je dois trouver l'endroit où les barbelés ont été aplatis par d'autres et entre neige et boue arriver au bord. Il coule étroit et vif souvent dans la neige ou dans une lande de sauges, de saules rouges, de cactus rampants, de sombres sapins qui ont l'air de pouvoir résister à tout, de mauvaises plantes qui piquent, s'accrochent à mes habits. Sur les rives enneigées plein de traces de petits animaux, de pas et de piétinements immobiles. La route à 20m, on se sent pourtant dans un territoire inchangé et gardé. On ne peut y être qu'à pied et en faisant attention à où on met les pieds.La route s'élève doucement, c'est la forêt maintenant de temps en temps de grands champs de neige, des vues sur les hautes montagnes aux sommets enneigés, et puis quand ça commence à redescendre, on passe de vallées en vallées, fermières avec des cimetières hispaniques colorés, des chevaux, des tracteurs et toutes ces maisons longues et plates préfabriquées, quelques une plus comme des chalets, quelques autres en adobe.
A Las Trampas un grand carrefour boueux me fait ralentir et en regardant sur la place, je vois une très grande église. Arrêt, j'en fais le tour. Elle est fermée. La porte est très belle, par une des fenêtres du côté je vois l'intérieur qui a l'air très beau. Un type joue au ballon avec son fils. M'approche, demande si quelqu'un peut ouvrir l'église. Il me prend par le bras, m'emmène un peu plus loin, me montre un toit rouge :"C'est Rosa qui habite là-bas, elle a la clé. J'y vais elle est juste en train d'arriver. Je lui demande. "Oui, si vous faites une donation." "D'accord". On entre, une merveille d'église, des immenses tableaux sur le côté naïfs et précieux à la fois. Au fond l'autel, un ensemble de peintures, récits des saints, à droite une toute petite chaire avec une échelle pour y accéder, et sous la fenêtre une représentation en couleur du Christ sur la croix. Comme toujours, paix absolue, contentement qu'on vienne même si c'est pour visiter plutôt que prier, surtout quand on dit à quel point on trouve que c'est beau. Et quand je dis à Rosa que je n'en ai jamais vue de pareille même si ça me fait penser à l'Amérique latine elle me dit que oui, c'est pas du tout une église indienne comme plein de gens disent. Non c'est hispanique. Alors ce soir c'est à Conchita et à son goût pour les vierges des églises que je pense.
La vue sur la vallée d'un côté et de l'autre sur les montagnes et pourtant, ça fait triste. Truchas. Maisons abandonnées, rues défoncées, la boue qui se mélange à la neige, personne dehors. Façades du café et du magasin principal, galeries d'art désertées pour l'hiver probablement. Sans vie.
Ça redescend dans des dunes couvertes de sauge d'un gris rosé par le soleil à ras des crêtes. Enfin j'arrive à Chimayo, trop tard, tout fermé déjà; juste derrière le sanctuaire, les montagnes rougies de soleil en train de basculer dans l'ombre. Tout est fermé sauf le café d'en face, paré d'œuvres d'art ou diverses en tous genres de l'art-récup brut, aux sculptures les plus sulpiciennes (ça se dit?) en passant par des objets de la vie d'avant selle défoncée assombrie par le temps, outils, vaisselles, croix bricolées avec des restes de ferraille. Dommage, le Sanctuaire très important dans la région, est de toute beauté. Je compte revenir le voir.
De Chimayo à Espanola sur la petite route serpentante, puis la 68 jusqu'à Taos ça fait pas mal de miles. Beau retour dans la nuit.
42 - Elections à Taos, les Chevaux d'Arroyo Seco, Rachmaninof sur le piano d'Helen Würlitzer et les sculptures de Patrocito Barela
Les élections se préparent.Passe à la bibliothèque échanger des livres et rendre le film de Diane Kurys sur George Sand et Musset. Ça me donne envie de lire Les confessions d'un Enfant du Siècle. Une tirade d'On ne badine pas avec l'amour, dans le film. Mais je l'ai dans l'oreille dite par Gérard Philippe au TNP: - "Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égoût sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : “ J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.”- "Tu vis. La question n'est pas de savoir si c'est pour ton plaisir ou pour ton malheur, et d'ailleurs qui la résoudrait ?Tu vis, tu respires et le ciel est beau.", répond George Sand
Arroyo Seco, les chevaux sont dans les prés, la neige fond un peu, les corbeaux se réunissent, planent, se parlent.
J'écoute le vent, l'eau du ruisseau, des cloches au loin, des pas derrière moi, une fille qui se balade, le crissement de mes pas dans la neige entassée près des clôtures, un hennissement, là-bas devant la ferme, 2 chiens qui aboient de plus en plus énervés, par quoi?Je vois l'oiseau sur la croupe du cheval et le pommelé gris tellement beau au loin, dont je m'approche et qui a une large blessure ensanglantée à l'encolure; il vient jusqu'à la barrière, il reste de l'autre côté, sur le territoire des Indiens du pueblo. Je lui parle un peu. Je pense à Cécile qui aurait su et fait quelque chose. Moi rien. Regarder toujours.
Il est 1h, je rentre, quitte le cheval. A 14 h on a rendez-vous chez Hélène. Lera nous joue un prélude de Rachmaninof sur le piano légèrement désaccordé, il a besoin qu'on joue dit Lera et elle raconte ensuite que dans les partitions de la maison qu'elle a empruntées, il y a des transcriptions pour piano des chants et musiques du pueblo. Certains très transcrits et occidentalisés, d'autres qui lui semblent plus fidèles aux originaux et elle nous en chantent 2 mesures étranges (ères). La visite continue. J'écoute assez distraitement sauf toucher les personnages en bois sculptés de Patrocito Barela. Aucun succès au point que ses sculptures alimentaient parfois le feu qui réchauffait ses enfants et sa femme. Aujourd'hui qu'il est mort, celles qui restent se vendent bien.Michael nous dit que cette bibliothèque où nous sommes est à notre disposition, consultation sur place. Je reviendrai, plein de livres d'art, romans, des biographies de gens d'ici, des livres anciens dont une collection de livres Français (Voltaire, Rousseau, etc…), tous empaquetés de blanc pour protéger leur fragilité. Ils ne semblent pas reliés, les titres ont été écrits à l'encre, écriture élancée de nos grands-parents.Retour à ma casita, à mon désordre, à mon immense tranquillité.Ah! Liz frappe, je l'emmène "shopper" chez Smith et à notre retour nous trouvons Carolyn assise devant la porte, l'ordi sur les genoux, l'enveloppe avec sa pièce traduite en Français que je dois corriger. Thé et commentaires de la soirée de la veille à 3. Liz s'en va. On continue la discussion avec Carolyn sur l'écriture et au diable la littérature. On dîne, je travaille un peu, trouve un mail de Lera avec l'adresse du blog où elle publie de temps en temps. Je vais voir, articles sur des musiciens ou plus autobiographiques. J'en lis quelques uns. Le souffle du poêle à gaz. Sa chaleur à mes jambes, vous vous souvenez je suis dans mon fauteuil vieux rose, une voiture dehors, la radio à fond, elle passe. Je vais dormir.
41 – Lande, Repas ente Amis, Poèmes et Histoire de Sibérie de Lera
Me lève assez tard sans raison particulière. J'envoie un mail à Cécile. C'est son anniversaire. Un autre pour l'anniversaire de Joëlle, en retard. Mais comme elle dit, je suis habituée si tu y pensais le jour même, je me demanderais ce qui t'arrive. Ensuite je traîne, essaie d'aligner des mots, me demande si je vais faire développer les pellicules ici par l'amie de Robbie ou attendre la France pour le faire moi-même. Me dis que ce serait bien de rendre visite aux autres photographes de Taos. De question en question, la journée avance.Un petit tour sur ma lande, très différente au soleil.Continue par la rue Quesnel où il y a souvent des chevaux dans le pré qui la longe. C'est un raccourci entre Kit Carson rd et le supermarché où je veux acheter un dessert pour le repas de ce soir.
George est là avec sa fille qui vit à New-York et dessine des chaussures pour le designer Phillip Lim). Dîner avec une soupe belle bonne odorante de Pamela, une salade multicolore de Carolyn, des crudités de George, un mélange patates douces et fruits de Liz, des gâteaux et du vin de Lera et ma glace avec fruits rouges, coulis groseille et graines d'anis.On parle de la mode, du luxe, évidemment de Chanel et Saint Laurent… Soudain Lera se lève et propose de lire quelques uns de ses poèmes. On écoute assez sidérés. C'est sur la musique, le temps, la peine. Quand elle se rassoit, on parle des poèmes, certains les trouvent tellement trop lyriques qu'ils ne laissent plus aucune place à l'émotion. Ils me touchent, j'aime leur sincérité. Elle nous raconte ensuite sa tournée aux USA, à 17 ans, accompagnée de ses "gardiens KGB" et la décision qu'elle prend en une journée à la fin du voyage de téléphoner au seul numéro que sa mère lui avait précieusement confié, d'un ancien ami emigré à New-York. Lera lui demande de rencontrer des musiciens. Ce qui se fait dès le lendemain de son concert. Et là ils lui proposent de l'emmener à la Julliard School pour tenter sa chance. Une audition est improvisée et les professeurs enthousiastes lui disent qu'elle peut venir quand elle veut. Elle téléphone à ses parents pour savoir ce qu'ils en pensent. Ils vivent en Sibérie, son père est sur le point de partir prendre le train pour aller la chercher:- "Pour arriver à Moscou, il me faut 2 jours. De toute façon tu dois décider seule, ta décision sera la nôtre. C'est ton avenir. Si tu es là, je t'accueillerai et... Tu es libre."- "Ta décision sera la bonne", lui dit aussi sa mère, "nous serons contents pour toi, quoi que tu décides."Elle quitte New-York pour Moscou le lendemain. En 24 heures, elle décide de rester, de ne surtout pas retourner à l'hôtel, de ne rien dire de là où elle est mais de téléphoner pour prévenir ceux qui l'accompagnent afin qu'ils n'envoient pas la police à sa recherche, elle est mineure. Elle n'a rien sauf les affaires qu'elle a avec elle et son passeport. Un couple de musiciens l'hébergera quelques jours seulement car leur appartement est minuscule; son récit s'arrête.5 ans plus tard elle a pu faire venir ses parents et son frère.Quand George et Karen racontent la journée qu'ils viennent de passer à la neige, elle se souvient d'une longue balade à ski. Son père l'avait emmenée,leur grand chien berger sibérienles accompagnait. Il lui avait confectionné un harnais. Ce jour-là ils étaient restés tard et sur le chemin du retour, elle avait cassé un ski. Dans la nuit, le chien les avait alors tirer tous les deux jusqu'à chez eux. Un de ses plus beaux souvenirs.En rentrant à pied, la lune blanche, le noir des nuages et des branches, et des images de Sibérie dans les films, des photos me reviennent.
40 - Héliotrope, Réminiscence, Dîner chez Robbie et Jim Steinbach, Blueberry Hill
Absence. Juste, en soi le parfum... Lue, citée par Proust cette phrase de Chateaubriand dans les Mémoires d'Outre-Tombe: "Une odeur fine et suave d'héliotrope s'exhalait d'un petit carré de fèves en fleurs; elle ne nous était pas apportée par une brise de la patrie, mais par un vent sauvage de Terre-Neuve, sans relation avec la plante exilée, sans sympathie de réminiscence et de volupté. Dans ce parfum non respiré de la beauté, non épuré dans son sein, non répandu sur ses traces, dans ce parfum chargé d'aurore, de culture et de monde, il y avait toutes les mélancolies des regrets, de l'absence et de la jeunesse." Catherine avait l'héliotrope comme parfum et Narda aussi je crois.Pamela et Carolyn arrivent pour dîner chez Robbie et Jim Steinbach. Ils habitent le long de l'ancienne 570, où j'avais, à l'autre bout rencontré la dame aux chiens.Dans ce début de nuit, de neige qui tombe par moment, l'ambiance est la même que ce jour-là, gloomy and bleak, on dirait? La lande sombre juste la fin du jour rose pâle en une ligne qui dessine la crête à l'ouest, là-bas.La maison en adobe est triangulaire et chaque fenêtre cadre une incroyable vue. Tout est beau, les meubles le sol les photos de Robbie ou d'autres, les tableaux, les œuvres d'ami(e)s, les objets… Tout soigneusement choisi dans cette maison finie depuis peu.Avant on avait visité son atelier plein de belles choses et Robbie nous avait montré ce qu'elle avait choisi pour sa très prochaine exposition.Superbe, oui tout superbe, au sud de Blueberry Hill !Pendant ce temps Jim finissait de préparer le repas: soupe et porc mariné avec des vermicelles chinois, délicieux.Soirée parfaite qu'on continue en une discussion sur que devient le monde? Mais leurs deux grands chiens noirs adoptés (je pense à ceux de Yon et Cécile), tellement heureux semble-t-il d'être au chaud et aimés, nous apportent le réconfort nécessaire à la froidure morne du dehors. On repart dans la nuit de la lande avec le même plaisir du dedans de la voiture.
39 - Séverin, Rio Hondo, Valdez, Patrick et François Rabath
Une semaine après l'incinération de Narda. Nous pensons à Vincent, Colette, Elizabeth, Perle, les enfants. Non, nous ne pensons plus. Abasourdis, silencieux. Violence de gens qui meurent pour en tuer d'autres, désespérés mais aussi brutaux, sans pensée humaine, complètement déréglés. A l'image de la haine et de l'intolérance qui montent, à des degrés divers, mais un peu partout.La mort s'approche, on a l'impression que tout s'accélère vers un changement qui paraît pour l'instant terriblement négatif. Ici il y a des gens qui chaque semaine vont prier à l'église, ou au lac des premiers hommes pour que l'humanité, le monde retrouvent un équilibre...Longue conversation teintée de tristesse avec Pascale.A 10h30,Patrick arrive.Cela va me sortir des pensées pour Narda et Séverin.Nous partons vers Coyote Creek, prenons quelques photos de repérage puis redescendons.Passons par Valdez, nom donné à tout un ensemble de fermes sur les mesas qui entourent les rives du canyon où coule le rio Hondo. On prend des pistes, on se perd retrouve la rivière. On explore différents endroits. C'est assez beau avec d'un côté des landes et rochers qui descendent jusqu'au lit du Rio et de l'autre des a pics sombres. Je prends quelques photos avec mon sténopé.
Il fait tellement bon qu'on regrette de ne pas avoir pris de piquenique. Patrick, compositeur et contrebassiste, me parle des 7 mois passés en France pour prendre des leçons avec François Rabath qu'il considère comme un guru de la contrebasse. Me raconte qu'il a une bourse d'un an pour faire un livre qu'il voudrait holographique et musical pour lier les photos qu'il prend depuis 10 ans des maisons abandonnées du nord du Nouveau Mexique, la musique qu'il compose et ce qu'il écrit.Imite sans cesse mon accent français. Je lui dis qu'en 7 mois, il devrait parler Français, il me dit qu'il se débrouille dans les trucs de tous les jours mais ne peut pas parler de ses projets etc… dans ma langue.En nous perdant, nous trouvons 2 maisons qu'il n'avait jamais vues. Photos pendant que je continue à pied. Il me rattrapera plus loin. La piste suit maintenant le rio Hondo jusqu'à sa jonction avec le rio Grande. "Non" me dit Patrick, "ici tout le monde dit le RIO!". OK.On traverse le pont, admire les pêcheurs à la mouche qui n'ont pas l'air d'attraper grand'chose. On hésite à remonter par la rive opposée et nous décidons finalement de remonter du même côté pour aller reconnaître une courte piste qui a l'air de s'approcher du RIO - donc -, à un endroit très sauvage et qu'il ne connaît pas. Nous voilà embarqués dans un mélange de neige, glace ou boue suivant les endroits! Au bout, l'entaille, les gorges, avec à certains endroits qui avancent sur le vide, des vues à couper le souffle sur la rivière en bas, très bas, et au loin, après les landes et les buissons de sauge d'ici gris cendré, oui au très loin les montagnes plus ou moins effilées.
La nuit tombe et je pense à Séverin et Vincent, Colette, Baptiste et tous les autres de la famille.